lundi 22 septembre 2014

Roger Fleury en prison pour aucune bonne raison

(Crédit photo: ICI Ottawa-Gatineau sur Twitter; lien)

Il y a quinze jours, j'ai eu le grand plaisir de pouvoir être accueilli au site archéologique du 823 rue Jacques Cartier à Gatineau, occupé depuis mi-août par des autochtones qui réclamaient de continuer la fouille archéologique cessée trop subitement, ainsi qu'une meilleure protection du site.  On m'a expliqué en détail les revendications et des idées de ce qui pouvaient être fait avec le site pour le protéger et le mettre en valeur.

Mais jeudi dernier, il y a eu arrestation de six des occupants du site en question, suivant leur refus d'accepter l'injonction interlocutoire provisoire, obtenue de la Cour supérieure par la ville de Gatineau, ordonnant aux occupants du site de quitter les lieux avant 17h30 cette journée-là.  Les six (dont le Chef des Algonquins hors-réserve de Fort-Coulonge Roger Fleury, la militante saskatchewannaise pour les droits autochtones Audrey Redman, et le militant Robert Marois [source]) se sont fait arrêter sans confrontation ni incident par plusieurs dizaines de policiers, dont le travail de quelques uns n'était que de regarder les événements, à voir les images aux nouvelles [source].

Chacun des six a été accusé de méfait selon l'article 430.1 du Code criminel du Canada.  Parmi les six, seulement Roger, qui a notamment agi comme porte-parole des manifestants, était encore détenu vendredi matin car il avait refusé les conditions imposées par la Cour supérieure, c'est-à-dire de se tenir à 100 mètres du site (823 rue Jacques Cartier), de garder la paix et bonne conduite, de ne pas entrer en contact avec les coaccusés, ainsi que de se soumettre à un couvre-feu chez lui de 23h à 6h [source].  Les articles de nouvelles n'indiquaient pas combien de temps ces conditions seraient en vigueur, mais il est su que l'injonction interlocutoire provisoire est en vigueur pendant dix jours [source].

Roger comparu devant une juge vendredi à 14h30, pour une session durant laquelle la juge lui a demandé la même chose que les policiers, c'est-à-dire qu'il respecte les conditions de l'injonction, afin qu'il puisse être libéré.  Roger a indiqué son refus, voulant dire qu'il reste détenu (donc en prison, comme il s'en disait prêt) jusqu'à lundi, pour une comparution d'une durée d'au moins quatre heures pour enquêter pour sa libération [source].  Avec la longue participation civique de Roger, le maire de Gatineau Maxime Pedneaud-Jobin aurait dû s'attendre à ces événements, et aurait dû s'asseoir autour du feu sacré pour avoir une discussion franche avec les autochtones pour résoudre la situation sans les arrestations.

Ceux qui ont suivi Roger depuis le début de ses années politiques savent combien de fois il a été en cour pour se défendre, pendant les 3 dernières décennies, le plus souvent contre des ministères et agences gouvernementales.  Après avoir été eu par un certain avocat qui le représentait (car, on se le rappelle, les juges sont d'anciens avocats, donc inévitablement plusieurs se connaissent), il s'est représenté lui-même.  Son expérience est telle qu'il a réussi gain de cause à la Cour d'appel du Québec avec dépens, surprenant plusieurs avocats.  Donc j'ai raison de penser que, d'une certaine façon, il va s'amuser en cour lundi.

Mais, en attendant les développements de sa journée en cour ce lundi, revenons aux arrestations de jeudi soir.  Les forces de l'ordre ont semblé avoir eu le bon sens de donner aux occupants dix minutes pour quitter le site avant de procéder aux arrestations.  On a appris que plusieurs occupants ont décidé de quitter le site à la dernière minute.  On peut imaginer la raison: une accusation de nature criminelle peut immédiatement ruiner les perspectives d'emplois.  Les menaces d'accusations criminelles sont donc suffisante pour freiner la participation publique dans les manifestations.  Ce qui attend les accusés de méfait, dans ce cas-ci Roger Fleury, c'est jusqu'à dix ans de prison.

Que ce soit dix ans de prison ou trois jours de détention en vue d'une audience pour enquête de libération, ces dépenses judiciaires (payées par vous et moi) sont complètement inutile, puisque le site archéologique n'est pas accessible (étant entouré de clôture et surveillé 24/7 par des policiers en voiture et par des caméras installées aux frais de la princesse).  Mais peut-être faut-il plutôt en retirer que l'État, peu importe le niveau de gouvernement qui l'incarne, imposera toujours sa volonté, avec autant de manifestants en prison que nécessaire.

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