lundi 22 novembre 2010

Merci de nous endetter sans notre approbation

Depuis deux semaines, beaucoup d'articles dans les nouvelles économiques nous ont raconté que l'Irlande est dans un état économique précaire, au bord de la crise, et chaque jour, on nous a raconté que son gouvernement était à moins de 24 heures de recevoir un «bailout».

En particulier, un grand nombre d'articles ont suggéré que l'Irlande doit absolument obtenir un «bailout» car elles est au bord de l'insolvabilité: elle n'aurait plus d'argent du tout et ne peut effectivement pas en emprunter car le taux d'intérêt serait trop élevé.

Bien que les taux effectifs des bons du trésor irlandais sont très élevés (vers 8-9%), le gouvernement n'est pas celui qui paie ce haut taux; au contraire, il s'agit du taux effectif annualisé qu'un investisseur pourrait obtenir même si le taux du coupon est plus bas. Par contre, l'Irlande ne cesse de mentionner qu'elle ne doit plus émettre d'obligation depuis quelques temps et n'aura pas besoin de le faire jusqu'en juillet 2011, ce qui est fort mieux que bien d'autres pays européens.

En Irlande, le plus grand risque d'insolvabilité se retrouve apurées de ses grandes banques. Malgré les injections de capital du gouvernement, l'insolvabilité demeure un risque car les investisseurs commerciaux ont retiré une bonne partie de leurs dépôts et les banques payent elles-mêmes un taux d'intérêt élevés sur les obligations qu'elles émettent.

Il faut se rappeler que chacun des «bailouts» d'institutions financières récents ont eu lieu pour éviter la liquidation ou réorganisation de ces institutions. La liquidation des sociétés insolvables est normalement bien définie dans la loi et prévoit essentiellement la vente de tous les actifs d'une société pour repayer ses créditeurs dans un ordre précis. Dans le cas d'une banque, ce seront tout d'abord les clients ayant des dépôts, et seulement si ceux-ci sont entièrement repayés, les détenteurs d'obligations émises par la banque seront remboursés, et ensuite les autres créditeurs dont les actionnaires. Puisque les dépôts font souvent la plus grande partie des créditeurs, les détenteurs d'obligations n'ont pas du tout la garantie de se faire rembourser en cas de faillite. Qui détient ces obligations? En très grande partie les autres banques européennes, incluant en première et deuxième places les banques britanniques et allemandes. Qui possède ces banques? Surtout des riches investisseurs individuels, et aussi des fonds d'investissement.

Si les banques irlandaises sont sauvées de l'insolvabilité, ce seront donc ces banques britanniques, allemandes et autres qui seront certaines de se faire rembourser. L'influence des riches investisseurs dans le gouvernement britannique explique pourquoi ce dernier a même suggéré de prêter de l'argent directement à l'Irlande sans passer par l'Union Européenne ni le FMI. Sous l'excuse de «l'intérêt national» se trouve la réalité peu masquée que les banques britanniques, déjà en peu bonne formes (un bon nombre d'entre elles n'ont pas encore été dénationalisées) pourraient elles-mêmes devenir insolvables si les banques irlandaises ne sont pas sauvées.

Les contribuables européens, évidemment, se retrouveront à financer ces «bailouts», et la population en général en payera le prix.

Le tout est simplement le reflet d'une chose: il y a trop de dette dans le système, et déplacer cette dette du privé au contribuable n'a ni d'effet bénéfique pour la société ni ne résout le problème de dette excessive.

Il n'y a qu'une vraie bonne solution: créer, dans chaque juridiction où c'est nécessaire, une banque publique (appartenant au gouvernement) pour garantir les dépôts, et forcer toutes les institutions insolvables en liquidation, même si cela implique qu'un grand nombre de banques européennes deviennent elles-même insolvables. De nombreux investisseurs, surtout les plus riches, se verraient perdre quelques sous, mais c'est seulement en nettoyant le système au complet que de nouveaux investissement productifs pourront se faire.

Ce nettoyage est inévitable: soit les gouvernements se montrent utiles et gèrent ce nettoyage pour en minimiser les conséquences négatives, soit le marché dicte quand il se produit et rend l'expérience fort douloureuse.

La Grèce était la première à tomber. L'Irlande vient d'être la deuxième. Les investisseurs vont très bientôt forcer le bras du Portugal. L'Espagne ne sera pas loin derrière. Quand ce ridicule manège finira-t-il, et quand les plus riches, qui ont tant profité du système, payeront-ils finalement leur part?

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